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    Va et vient

     

    Les jonquilles ont fini de chanter. Ne reste plus que leur face flétrie, leur squelette rigide qui voudrait bien encore garder quelque maîtrise sur ce petit aplat de terre printanière. Les ai-je vraiment vues ou seulement rêvées quand elles étaient si fières tout en haut de leur tige.

    Trois tulipes en bouton, la tête comme un obus frangé de rose pâle, sont prêtes à exploser. Elles gonflent leurs joues, s’agitent en silence tout en se demandant quand elles pourront enfin entrer en scène. Le secret de leur lente poussée est-il si difficile à contenir ?

    Et ce violet là-bas, tout près de la murette ? Peut-être une pivoine dans une orgie de verts.

    Comment trouver les mots pour dire cette force des verts, ce va et vient absurde entre la puissance inouïe du printemps, ce bouillonnant débordement, ce grand désir de vivre et le vide abyssal qui m’habite, cette lente descente vertigineuse et cruelle.

    Le clocher bat ses heures sans aucun état d’âme. Comment fait-il le temps pour clore la mesure et rester éternel ?


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    Sur les chemins inexplorés d’après demain, j’ai semé des poèmes fugaces comme des soleils d’hiver.

    Sylvie Latrille

     

    Quant à moi, je commence ici une nouvelle traversée. Il me faut bien tourner la page, trouver d’autres chemins, découvrir des horizons lointains, étranges, étrangers, allier la fragilité du nouveau-né à la curiosité de l’explorateur.

    Je suis pleine de brume. Un sang nouveau irrigue mes pensées. Je le sens qui s’affole, se cogne, se fait mal. Il ne sait pas rester bien sage. Mon cœur en est étreint comme dans une cage. Pourtant, il n’y a pas d’échappatoire. Il me faut avancer dans le renoncement, puiser ma force à des sources  nouvelles, irriguer mes désirs à l’eau de mes entrailles, me perdre dans les tâches les plus triviales et pourtant si tristement humaines.

    Mon jardin m’accompagne comme un ami fidèle. Les jonquilles ont fleuri, hier c’était le printemps. Elles se balancent dans le vent toutes ensembles sur leurs tiges. J’ai beau tendre l’oreille, je n’entends pas leur chant. Elles chantent pourtant, je le sais, avec leurs bouches rondes,  leurs ailettes à l’écoute pénétrées de lumière.

    La clématite m’interpelle. Comme moi, elle se cherche une accroche, un point d’appui pour se hisser plus haut, ne plus être ainsi laissée à la dérive. Je voudrais tant rester encore un peu pour la guider contre la treille, lui montrer le chemin, apaiser son errance. Mais déjà la grande ombre a touché le jardin et ses doigts d’encre bleue me font comme un frisson.

    Demain est-il un autre jour ?

     


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