• Vous le savez, je participe de temps en temps à des ateliers d’écriture organisés par  le Centre d’art le LAIT  à Albi qui organise des expositions d’un genre un peu particulier.  Les ateliers d’écriture ont toujours comme support l’expo en cours et les textes qui en résultent  ne sont pas toujours faciles à mettre en ligne sur mon blog car ils sont parfois tellement liés aux images et aux vidéos qu’ils n’ont plus de sens s’ils sont proposés sans eux.

    Cependant, l’atelier débute toujours de la même façon par un petit exercice que vous pouvez peut-être vous amuser à faire chez vous. L’animatrice a un chronomètre, elle propose un mot au hasard et nous devons écrire pendant une minute autour de ce mot. Quand la minute est écoulée, c’est au tour de la personne suivante de donner son mot et ainsi de suite. Lorsque le tour de table est terminé, les participants lisent leurs textes et cela donne des résultats toujours surprenants. C’est l’un de ces textes que je vous propose aujourd’hui. Le lieu où se déroule les expos et l’atelier, d' anciens moulins situés au bord du Tarn, influence souvent les textes car la présence du fleuve est très sonore.

     

    Un mot par minute

     

    Les mots soulignés sont les mots proposés

     

    L’atmosphère paraissait étonnamment calme et pourtant, il flottait dans les airs un parfum d’inquiétude tranquille, une sorte de brouillard pailleté d’une substance étrange, presque palpable. C’était comme un pont invisible jeté entre les deux berges de la rivière agitée  sans cesse par le remuement d’une  eau venue d’on ne sait où. Peut-être de la source qui filtrait un peu plus haut entre les arbres. Il fallait bien qu’il se décide à reprendre sa route même s’il restait seul désormais car le soldat qui l’accompagnait jusqu'à présent ne bougeait plus. Où aller ? Rien ne pouvait lui indiquer la bonne direction. En dehors du murmure des eaux, tout s’était tu autour de lui depuis cette nuit où il s’était faufilé dans l’étroitesse du boyau sombre qui s’était bruyamment ouvert devant lui. Depuis, plus rien ! Il était frappé d’une sorte d’amnésie et rien ne faisait plus sens. Pourtant, il lui restait encore en tête le souvenir de ces lueurs qui embrasaient la nuit, l’odeur de la soupe, celle du tabac de la dernière cigarette, celle aussi d’un verre de vin âpre et fort qui lui avait soulevé l’estomac mais surtout celui de la peur, oui, la peur qui lui broyait son âme. 

     

    Voilà, si ce petit exercice vous a inspirés dites-le moi.


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  •  Vous n'êtes pas sans savoir que notre amie Quichottine a pour nous de grands projets. J'avais écrit un premier texte sur La Petite Fabrique mais une aventure cet été m'a donné envie de changer de personnage. Je vous laisse deviner de qui il s'agit et j'espère de tout cœur que vous serez nombreux à nous suivre dans cette aventure.

     

    Comment décrire ce qui m’arrive ? Pensez donc, à mon âge ! Et puis je suis si fatiguée ! Je me sens tellement usée et tout à fait incapable de gérer une nouvelle fois ce petit miracle bien ordinaire sans doute, mais qui peut illuminer un temps la plus misérable des vies. Et puis j’ai déjà connu tant de chagrins, de désespoirs ! J’ai déjà pleuré tant de fois sous la lune ! Pourrais-je supporter de tout perdre à nouveau? Cette fois c’est sûr, je n’y survivrais pas !

    Quand les douleurs m’ont prises, j’étais si loin de me douter qu’il m’a fallu improviser, m’installer à la va-vite dans une cagette abandonnée tout au fond d’un vieux hangar en ruine. Je ne vais pas pouvoir rester là bien longtemps je le sais. Le sol est déjà très humide, des courants d’air partout qui risquent de me donner la fièvre. Et si jamais il pleut, c’est le déluge assuré sur toute la portée.

    Pour l’instant tout va bien, le temps est doux et ils ont l’air bien vifs. Quant à la nourriture, j’ai mes habitudes, une adresse surtout où l’on ne me chasse pas à coup de cailloux en me traitant de « sale bête, de  noiraude, de diablesse ». C’est qu’il ne fait pas bon être noir par ici ! Ma patte droite est encore lourde de trois grains de plomb qui m’ont surprise alors que je guettais un mulot dans un champ.

    Célestine, la femme d’Alfred m’appelle « Minette, ma Belle, ma Douce, ma Mimine »  et ne me refuse jamais une assiette de pâtée quand je pointe mon nez sur le toit de la grange. Elle voudrait bien pouvoir me caresser un peu mais dès qu’elle tend la main, je me dérobe. Ce n’est pas très charitable je sais bien mais depuis que je me suis retrouvée enfermée dans un sac de toile de jute et balancée dans une poubelle avec mes cinq chatons, je suis devenue méfiante.

    Aujourd’hui pourtant, il va falloir que je me décide à lui faire confiance. Ces quatre petits, mes derniers je le sens bien, je ne veux pas les perdre et l’orage menace. Allez ma vieille, ou c’est l’orage ou bien c’est Célestine.

    Dès qu’elle m’a vue avec mon chaton  dans la gueule, elle s’est précipitée en essuyant ses mains dans son grand tablier de drap bleu.

    -         Ben ça alors, mais qu’est-ce que tu nous emmènes là ma belle minette ? Il est à toi ce petit noiraud ? Mais tu ne peux pas rester sur ce toit ! Tu vas te faire tremper ! Et ton petit, tu n’y penses pas ? Tu es une drôle de mère quand même ! Viens, si tu veux, je t’ouvre la porte de l’écurie. Tu y seras bien tu sais ! Alors, tu te décides ? Ah ! Voilà, c’est bien. Regarde, je t’ouvre la lucarne comme ça tu pourras ressortir à ton aise quand la porte sera fermée. Qu’est-ce que tu en dis ? Lubie te tiendra chaud. Elle est un peu perturbée en ce moment avec ce mariage qui se prépare mais ça lui fera de la compagnie. Mais dis-moi, tu n’en a fait qu’un ou bien il y en a d’autres ?

    Alors j’ai planté mes yeux dorés teintés de verts dans ses grands yeux dorés teintés de bruns tendres, je lui ai abandonné mon chaton dans le creux de son tablier et j’ai sauté par la lucarne pour lui emmener les trois autres. À chacun de mes voyages, elle était là qui s’affairait, apportant un bol d’eau, une assiette de pâtée, une couverture bien chaude puis elle m’a caressée en me disant : « Tu vas voir, tu vas être à ton aise ici, ça va bien se passer, repose-toi ! » Ses mains étaient douces et légères comme des ailes et mon dos frissonnait de sensations nouvelles. Elle avait l’air si heureux de nous avoir là tous les cinq, rien que pour elle que je me suis laissé faire.

    Je me suis allongée sur la couverture et j’ai léché longuement mes petits avec le cœur gonflé de reconnaissance pour cette femme et pour le ciel qui me faisait ce merveilleux cadeau. Et eux, insouciants et heureux, plongèrent dans la tiédeur de mon ventre pour se gorger du lait de mes tétines offertes.

    (à suivre)

    Naissances surprises

    Cette histoire est inspirée de faits réels


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  • L'art de la sieste

     

    Délicieux lâcher prise

     

    dans le bronzinement

     

    des mouches

     

    laisser glisser

     

    soudain

     

    le frisson du sommeil.

     

     

     

    bronziner vient de l'Occitan et je trouve ce mot plus imagé que bourdonner


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  • Le cagou est un oiseau qui ne vole pratiquement pas. Il est devenu l'emblème de la Nouvelle Calédonie. J'avais écrit cette chanson il y a deux ans à la demande d'un chef de chœur pour une chorale d'enfants appelée " Les cagou's". Et puis le projet comme beaucoup d'autres est tombé à  l'eau. Je publie aujourd'hui ce texte en me disant qu'il inspirera peut-être quelqu'un, là-bas, de l'autre côté du Pacifique. Pourquoi pas????


    Le Cagou

    Des tendresses marines

    Parfument la colline,

    L’étoile brille encore

    Sur la rivière bleue

    Et dans son nid blotti

    Au creux du niaouli,

    Petit cagou s’endort

    Sous la voûte des cieux.

     

    Refrain

    Dors,

    Petit prince des îles,

    Mon ange si fragile,

    Mon bel oiseau d’écume,

    Dors,

    Mon joli coquillage,

    Mon bel oiseau nuage,

    Ma douce fleur de brume.

     

    Je chanterai pour toi

    Les ailes des fougères,

    Les branches des palmiers

    Arrosées de lumière,

    La mousse des sous-bois

    Sous les frangipaniers

    Et les arbres sorciers

    De la forêt noyée.

     

    Les grands pins te diront

    La fraîcheur du lagon,

    Les fontaines cachées

    Dans le creux des vallons,

    Les racines mêlées

    De nos palétuviers,

    La mémoire des clans

    A l’ombre des banians.

     

    Petit prince charmant,

    Demain il sera temps

    De savoir les mystères

    De notre grande terre,

    L’interdit de l’azur

    Que le ciel te murmure,

    L’abandon de nos rêves

    Sur le sable des grèves.

     


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    Promenade matinale

     

     

    Dans la joie imprécise du jour qui se déplie, un merle chante l’aube aux fenêtres du frêne. Sa voix bondit de feuille en feuille déroulant pour moi seule les frissons du soleil.

    Seulement respirer, percevoir la lumière et les choses furtives qui glissent entre mes doigts.

    Je suis l’oiseau, je suis la branche, je suis le ciel dans ce débord de verts captivant tout l’espace, je suis le chant plein de candeur et je suis le silence qui enclot chaque note dans un filet d’argent.

    Te reverrai-je merle dans les greniers du ciel avec le frêne immense et les remous du vent tout ruisselants de feuilles ?

     

     


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