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Qui s'y frotte s'y pique
En réponse à Gazou qui s'interroge sur son identité.
Une citation chez elle ce matin m'a interpelée:
" Je suis devenu quelqu'un d'autre, quelqu'un pour qui je n'étais pas fait.
Comme si je portais un déguisement et c'est à peine si je me reconnais."
Daniel Keene (auteur de théâtre australien)
J'ai retrouvé cet autoportrait que j'avais écrit il y a quelques temps et j'ai le sentiment qu'il ne me correspond plus trop. Je ne sais pas comment s'est opérée cette lente transformation mais pourtant, je suis certaine que quelque chose a changé.
"Si j’étais un fruit, je serais la châtaigne, plusieurs peaux à ôter avant d’en connaître la pulpe. La première piquante, méfiante, protectrice, tous les sens en alerte, toujours prête à se battre, à répondre, à remettre à sa place l’intrus qui chercherait à briser ma carapace, à mettre en danger ma chère indépendance, à me tirer de mon silence.
La deuxième, plus lisse, plus souple, plus brillante. Une écorce glacée qui aimerait paraître douce et tendre, veloutée, parée comme un soleil, chaleureuse, riante. Mais de grâce, ne vous y risquez pas ! Si vous croquez dedans vous risquez fort de vous briser les dents !
Quant à la chair me direz-vous ? Comment donc est la chair ? Pulpeuse, moelleuse, fondante, juteuse, sucrée, acidulée peut-être ? Rien de tout cela hélas ! Pour en savoir le goût, la texture en bouche, il vous faudra me cuire ! Dure à cuire alors ? Oui, cela me convient bien. Dure à cuire, endurante, tenace, préférant de loin les actes à la parlotte, difficile à cerner, à berner, beaucoup trop clairvoyante, me protégeant jusqu’à m’en faire mal.
Des réflexes, des modes de pensées qui me viennent de loin, d’une enfance pendant laquelle j’ai appris à me taire, à me fondre dans le décor, mais à entendre aussi et à découvrir seule le sens caché des choses, l’envers du décor, la vérité dans le mensonge. Ne pas bouger, ne pas parler, être invisible, inodore, incolore, sans saveur, telles étaient les règles.
Longtemps j’ai attendu que quelqu’un me délivre , puis je me suis faite châtaigne et dans ce monde clos, bien cachée tout en rond j’ai empilé mes rêves en espérant l’automne."
Tags : identité, autoportrait, châtaigne
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Commentaires
Bonsoir Aza
Pas facile de faire son auto-portrait, mais pas certaine que tu soies ce fruit enveloppé de piquant .En lui tout un courage pour des épreuves endurées auxquelles tu as résisté, un peu dans la solitude, pour ne pas être trompée d'un monde en qui tu ne crois plus . La poésie est entre la plume des ' tendres' , des ' douces' de l'âme qui voyage en sérénité, pure comme l'eau des torrents qui coule et dont tu aimes à écouter les échos . La vie a fait que tu préfères t'enfermer dans la coquille, à l'abri des méchants , ceux qui trompent, mentent, donne des coups . Tu veux t'isoler dans cette coque là, juste pour t'abriter d'eux et pouvoir rester sereine envers toi-même . Bon, je peux me tromper
Gros bisous Aza ( perso, je ne sais plus qui je suis, ni où je vais, j 'erre comme on dirait et je résiste aussi à la bêtise humaine )
Tu ne te trompes pas Aza, je ne te connais qu'à travers tes commentaires, mais ceux que tu m'adressais lorsque nous avons commencé le blog...et ceux que tu écris plus récemment, après avoir fait une pause n'ont pas du tout la même tonalité , la même couleur...Je te sens plus en empathie, plus compréhensive...comment s'est fait la transformation? tu ne le sais pas, peu importe, elle s'est faite et tu peux t'en féliciter..oui, je crois que cet autoportrait n'est toi que partiellement...Quoi qu'il en soit, il est très bien écrit...Merci Aza
C'est amusant je crois me retrouver en lisant ce portrait très bien fait. Je me suis décrite aussi dans un auto-portrait, je n'avais pas parlé de châtaigne mais d'éponge avec une face qui récure. J'absorbe tout, je garde pour moi et je gratte souvent où il ne faudrait pas. Et puis une éponge ce n'est pas très sexy, ça ne soigne pas son apparence. C'est peut être la seule différence avec la châtaigne qui passé les piquants est très belle et brillante. Belle soirée
Martine de Quai des rimes (je ne peux changer l'identité sur Ekla, désolée)
C'est amusant ce que tu dis: tu ne t'y reconnais plus.
On change. En profondeur, et ce qu'on croit être n'est en somme qu'une apparence que l'on se donne, une protection.
J'ai écouté hier le gai savoir sur France Culture, Enthoven parlait d'un livre de Clément Rosset, dans lequel il développe l'idée que moins on se connaît, mieux on se porte. Idée qui vient également des anciens, de Montaigne à Spinoza, et tant d'autres, que certains prennent comme une boutade.
Pourtant...
Je te laisse le lien, si l'envie te prend d'écouter, c'est intéressant:
http://www.franceculture.fr/emission-le-gai-savoir-moins-on-se-connait-mieux-on-se-porte-2014-03-02
L'identité n'existerait pas, ou elle ne serait que sociale, un moi créé par l'imaginaire des autres...
Pour ma part, je sais que j'ai changé. Au fil des lectures, au fil des conférences et des rencontres, j'ai perdu de cette tristesse qui m'accompagnait trop souvent. Je garde l’œil ouvert sur le monde, et ma révolte n'a pas pris une ride, mais elle n'a plus cette colère immense.
Je ne saurai me définir à travers un fruit comme tu l'as fait, et si bien, mais s'il en est un qui me met en joie, c'est l'ananas. (sans référence aucune avec les évènements débiles de ces derniers temps).
"Je suis devenu quelqu'un d'autre, quelqu'un pour qui je n'étais pas fait".
Je pense à l'inverse que je tends à être ce que je suis, et peu m'importe les déguisements qu'ils soient sociaux ou affectifs; je suis sortie de certains de mes enfermements, et sans doute ai-je d'autres pas à franchir, mais je t'avoue que je me sens de mieux en mieux, que le "je" n'a plus à se soucier de ce pour quoi il est fait.
Merci à Gazou et à toi pour cette interrogation qui vaut qu'on si attarde.
Bisous Aza
je vais écouter Polly, je l'écoute tous les dimanche sur Arte dans sa courte émission de philo de même que j'aime bien écouter
Franz Olivier Giesbert sur la 5 le samedi soir
"L'identité n'existerait pas"? c'est sans doute vrai dans la mesure où l'on cherche à exister dans le regard de l'autre,
je pense que ce qui m'a changée c'est quand j'ai enfin compris que je n'aurai jamais les mots que j'attendais depuis que ma mère est devenue dépendante et qu'elle n'a plus toute sa tête; je me suis révoltée au début, je me suis fait beaucoup de mal et puis j'ai réalisé que j'avais encore de jolies choses à vivre et qu'il fallait passer à autre chose
bises Polly
la gratounette me convient bien à moi aussi Martine, j'ai du mal à ne pas gratter là où ça fait mal , à pointer du doigt les incohérences des gens et des situations, l'injustice, l'hypocrisie, c'est plus fort que moi
c'est très lié à mon enfance mais je me dis de plus en plus que l'on ne peut pas refaire le monde ni les gens, s'ils veulent changer c'est d'eux que cela doit venir, s'ils ne le souhaitent pas tant pis pour eux!
bonne soirée
merci Gazou,
c'est vrai, je n'ai plus envie de prouver quoi que ce soit, sans doute ai-je vieilli ou bien le fait d'avoir à m'occuper de ma mère m'a-t-il rendu plus humble, je ne sais pas, ce n'est pas très important
merci Liliane pour ces mots qui me touchent, les épreuves nous changent c'est vrai, je trace ma route en dehors des sentiers battus, je suis plus calme, je n'attends rien et c'est en n'attendant rien que l'on est finalement très surpris de ce qui arrive: des rencontres, des propositions qui surprennent venant de gens que l'on ne connaît pas, c'est très étrange
laisse couler Liliane, toi aussi tu as la poésie
bises et bonne soirée
merci pour ta gentillesse Jean-Marie , en vieillissant j'ai perdu beaucoup de mes piquants, comme beaucoup de timides je me protège
Je crois que c'est le genre de question que l'on se pose sur le tard, avant on vit sans y penser trop, on a autre chose à faire même si les journaux de masse sont plein de tests soit disant psychologiques, on les fait et on oublie bien vite
bises et bonne soirée
Un texte superbe mais qui est toi ( je suppose, car toi seule le sait) il y a quelque temps.Mais la vie, ses épreuves, la sagesse nous façonnent et l'on devient autre , Est-ce toujours nous?Je ne sais ! C'est le moi du moment !Je ne te vois pas enrobée d'épines comme la châtaigne, tu es poésie, générosité et féérie !
Je te souhaite une douce soirée, bises Azalaïs
une belle réflexion et au cours des ans nous apprenons à vivre, nous vivons des expériences qui nous font comprendre beaucoup de choses et de ce fait nous changeons pour ne plus commettre les mêmes erreurs et voir autrement la vie, les gens....
La vie et ses aléas, l'âge aussi nous transforme en bien ou en mal... cela dépend, mais c'est certain , que nous le voulions ou non ."
J'aime beaucoup ton auto portrait... Ce serait intéressant que tu le refasses...
Bises
Un autoportrait où on a plaisir à te découvrir chère Aza même si tu dis avoir changé aujourd'hui...
Bises
il y a tant de choses en nous, tant de facettes qui ne demandent qu'à s'animer selon l'angle de la lumière de la vie ...
pourquoi une dure à cuire ?? la châtaigne , c'est très bon cru !! ;-)
bises et belle soirée
pas facile d'arriver en retard sur un tel billet... j'ai lu chez Gazou.
Ta châtaigne me parle beaucoup et je comprends tellement les raisons de ton changement.
J'aime te savoir avançant malgré tout sur ton chemin, ta force me laisse admirative.
Il y a tant de jours où je baisserais volontiers les bras...
Merci pour ce portrait et ces mots partagés.
Passe une douce journée.
il faut juste avancer sans se préoccuper du lendemain et faire confiance dans la force que nous avons tous en réserve
j'espère que tu vas bien et que tu nous reviendra bientôt
bises
Bonsoir
J'aime votre auto-portrait qui rime avec châtaigne.... Mais beaucoup doivent se retrouver dans certains passages de votre analyse... Je suis aussi une grande timide, alors j'ai bien ri .... Je vous envoie les doux rayons de soleil qui inondent le Var pour réchauffer votre bogue ...
Faites de beaux rêves et à bientôt
luciole-83.eklablog.com
Une châtaigne tombe.
Les insectes font silence
parmi les herbes.
Matsuo Basho
Sourire d'un insecte parmi les herbes
Amitié Pascal
j'aime le silence des insectes Pascal, pouvoir contempler à l'envers le spectacle des feuilles jaunissantes , toucher de près le tronc torturé de son arbre, ce doit être une belle expérience
Bonjour Azalaïs,
Quel superbe portrait. Sous les piquants le velouté d'un fruit qui demande l'effort, la cuisson pour offrir le meilleur de lui-même. Mais ensuite, quel régal. La divine récompense. Je préfère affronter quelques piquants que le satin trompeur de certains.
Et oui, on change. La vie se charge de nous remodeler.
Le peu que je devine de toi à travers tes mots me plaît beaucoup. J'espère qu'un jour nous pourrons discuter devant mes toiles. Je vais t'envoyer un courriel
Bises de bonne journée azalaïs
A bientôt
Martine
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bonsoir Aza,
merci !
intéressant
un autoportrait très imagé !
une "dure à cuire" à plusieurs niveaux comme une fusée gigogne ?
il me semble qu'il y manque ton côté d'ouverture aux autres
et à la Poésie, à l'Art
il me semble que tu n'es pas que ce fruit un peu rébarbatif
hérissé d'ouvrages défensifs
en quelques lignes on ne peut se définir vraiment
tu ne t'y reconnais d'ailleurs pas tout à fait toi-même
bonne soirée
bises amicales