• Pour l'arrivée du printemps j'ai repensé à ce texte écrit lors d'un atelier d'écriture avec cette consigne dont je vous ai déjà parlé: chacun des participants dit un mot toutes les minutes et nous devons construire un texte avec ces mots dits au hasard. Je les ai soulignés pour que vous puissiez vous rendre compte. Ça donne un texte un peu débridé mais c'est un jeu.

     

    De l'air de l'air

     

    -      - Ah ! là là, la galipette dans l’herbe haute, dans l’herbe verte, galipette hip hop, galipette pouet pouet, laissez-moi faire la galipette…

    -      - Abracadabra ! Mademoiselle s’il vous-plaît, pourriez-vous rester un instant sans bouger. Plus de gala, plus de gali, plus d’excentriques  galipettes ou vous allez sortir du cadre et le photo, oh ! le photographe ah! va rater sa photo ! Juste un instant, je vous en prie !

    -     - Mais non, cela n’est pas possible ! Entendez donc la zique coulissante du vent dans les prés et le cricri des sauterelles. Moi ze  plonze dans l’herbe folle, ze me roule dedans, ze naze aussi et ze saute hip hop dans tout ce bric à brac plein de zolies surprises. Ça me fait oh là là, ça me fait un peu d’air sous ma zupe et des guilis guilis dans les trous trous de mon sapeau en paille d’Italie.  

          Oh, ze me souviens maintenant de ce voyaze en Italie ! Le soleil était si saud. Il glissait dans les trous trous du sapeau et faisait sur mes zoues de zolies ombres claires. Mais toi bien sûr dans tes pantoufles tu ne peux pas comprendre ce frisson du soleil, la caresse du vent sur mes zambes bronzées. Non, tu ne peux pas comprendre cet appel de l’espace, le silence de l’aube et la moiteur des soirs d’été.

     

    Le thème de l'expo, c'était l'amour

    L

     


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  •  Suite et fin sur mon blog des aventures de ma Minette à la noce. Pour la suite, il vous faudra la lire dans notre prochaine anthologie. Moi qui suis un peu dans le secret des Dieux, je peux vous dire qu'il s'en passe de drôles!!!

     

    Des chatons à la noce

     

    Il a raison Jojo, quel point de vue étonnant. Voir sans être vu ! Il a dû être chat dans une autre vie ! Tout en bas, c’est une débauche de couleurs, de chapeaux, de sacs, de fleurs, de rubans, de parfums, de dentelles. Ça chuchote, ça tousse, ça pleure, ça racle des pieds, ça bouscule des chaises, ça se pousse du coude, ça glousse… Le marié et la mariée se tiennent au milieu de l’allée, droits comme des cierges pendant qu’une  femme s’égosille dans un Ave Maria qui endormirait un chat devant un trou de souris ! Fascinée par le spectacle, j’en oublie de surveiller mes petits qui s’amusent comme de petits fous. Visiblement cette tribune sert de débarras. Il y a des livres dans un coffre, un lutrin, une pendule, un harmonium tout défoncé, de vieux rideaux plein de poussière.

    Soudain, un bruit d’ailes soyeux nous fait lever la tête. C’est une jolie corneille au plumage bleuté qui s’est juchée sur une poutre du carillon et qui se dandine en sautillant d’une patte sur l’autre. Intrigués, les chatons entreprennent d’escalader les vieux rideaux et se retrouvent sur les touches de l’harmonium d’où s’échappent des sons plaintifs mais qui emplissent tout l’espace. Espiègle, la corneille accompagne cet air improvisé de joyeux « Kouac Kouac Kouac » tout en s’essayant à des jeux de mots sans queue ni tête :

    -      -    Oh ! Les jolis chats perchés  qui font de la musique ! Charmant charivari dans la chapelle en fête ! Dis donc le chat-huant, tu nous chuinterais pas un petit cha-cha-cha pour qu’on fasse bamboche ? J’adore le chahut impromptu ! Eh ! Oh !! Emilie, change donc de perchoir et viens voir un peu cha !

    Arrive une mouette qui après avoir pirouetté d’artistiques arabesques vient se percher sur la rambarde de la tribune.

     

    Des chatons à la noce

     

    -      Aïïïe , Aïïïe, Aïïïe, kec kec kec qu’est-ce que c’est ? Un concert ? Et je ne suis pas invitée criaille-t-elle tout en lâchant ses fientes dans le chapeau d’une vieille dame.

    -      Bravo, bravo, chante Jojo ! Du guano dans l’chapeau de cette harpie d’Ophélie !

    Encouragée, la mouette se met à parader sur la rambarde s’accompagnant de « Tiouou, Tiouou » enthousiastes ce qui en langage mouette signifie :

    -      Venez les copains, ici on s’amuse bien !

    Et voilà que surgit une pie, suivie d’une tourterelle qui joignent des « couroucoucou » et des « tchek tchek tchek » à cette chorale très animée. Comme pour ne pas être en reste, les cloches du carillon se mettent à tintinnabuler en chœur :

    -       -     Digue, digue digue, digue digue dong, sonne, sonne, sonne, joli carillon, tandis qu’un petit vent coulis aux senteurs de lavande et de miel harmonise le tout comme par enchantement.

    -      -       Oh, ben, si l’esprit du clocher s’y met aussi hulule la chouette qui vient de se réveiller, je veux bien faire les « HOU !! HOU !! » Vous savez quoi ? Il faudrait aller chercher Coco dans son pré, avec sa voix de ténor on va faire un tabac !

    Après quelques secondes de stupeur, les invités commencent à s’interroger timidement d’abord puis en maugréant des propos de mécontentement. Je sens que le vent va tourner mais profitant de ces instants de flottement, la dame qui s’évertuait à massacrer son Ave Maria change soudain de registre et entonne un « Oh Maria ! » plein d’entrain. Interloqués, les invités ne savent plus s’ils doivent ronchonner ou mêler leurs chants à celui de la soliste. C’est le curé qui le premier donne l’exemple en tapant dans ses mains  tandis que les enfants de chœur swinguent gaîment sur leur banc. Bientôt l’église n’est plus qu’une grande nef en délire avec des gens qui chantent, qui dansent, qui se sourient, qui se donnent des coups de coude, qui se tapent sur l’épaule, qui se tournent vers la tribune en montrant leur pouce levé pour montrer qu’ils apprécient cette participation inattendue. La mariée est aux anges et accepte de bon cœur ce gospel qu’elle n’avait pas choisi mais qui semble faire l’unanimité dans l’assistance.

    Jojo sifflote dans son coin et tout en me grattouillant la tête, il me dit des larmes au bord des yeux :

    -      -        Dis, tu crois qu’elle va vouloir me parler la Fanfan ?

    J’aimerais bien pouvoir lui répondre que oui mais soudain je vois débarquer Célestine le regard noir plein de reproches qui nous embarque tous les cinq dans son grand sac pour nous ramener à la ferme sans nous demander notre avis. Comment lui dire que je n’y suis pour rien ? En tous les cas, j’espère bien que ce soir, Lubie me racontera la suite de cette noce qui semble pleine de surprises et surtout, j’espère aussi revoir Jojo.

     


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  • Le nouveau grand chantier pour l'Association Rêves  avance à pas de géants. C'est très stimulant de chercher à se caler sur les idées des autres, de s'y glisser en respectant leurs identités, leur style, leur fantaisie. Pas toujours facile, je le reconnais de me souvenir des liens qui unissent tous les participants de ce mariage d'autant plus que de nouveaux s'en tricotent chaque jour. Par chance Quichottine et Polly veillent au grain.

    Je vous livre mon dernier texte, en deux parties, que mes aficionados survoltés veuillent bien m'en excuser. Il fait suite aux deux textes précédents: Naissances surprises et Des chatons sur la paille

     

    Un visiteur inattendu

     

    Aujourd’hui, c’est donc le grand jour ! Les rayons du soleil qui filtrent par la lucarne dessinent des ronds de lumière sur la paille. Lubie paraît calme et mâchonne son foin avec application. Moi par contre je suis  très énervée car j’ai plutôt mal dormi. Les propos de cette mouche zinzinabulent encore dans ma pauvre cervelle et ma queue est agitée de soubresauts rageurs. Non mais quelle folle ! C’est vrai que quand on se contente de pondre ses œufs dans une charogne ou sur une bouse du chemin on ne sait rien des joies et des contraintes de la maternité !

    La fleuriste, une jolie jeune femme à l’élégance discrète, est arrivée dans l’écurie peu après la visite de Célestine qui m’a apporté mon petit déjeuner. Elle s’affaire en chantonnant autour de la calèche. À ses pieds, des rubans, des flots de dentelles, des feuillages aériens, des plumes et puis ces fleurs champêtres sous lesquelles je me suis endormie tant de fois et qui ressemblent à de petits nuages. Tout en l’observant assembler avec amour ses petites gerbes, je repense à l’incident étrange qui s’est produit cette nuit.

    Vers une heure du matin, la porte de l’écurie s’est ouverte et un homme est entré. À sa façon d’explorer les lieux, j’ai  compris qu’il n’avait pas la conscience tranquille. Il avait une démarche souple, presque féline, le corps robuste et vigoureux d’un homme habitué à vivre au grand air. Il dégageait une odeur très particulière, un mélange fait d’embruns iodés, de fioul de bateau et de poisson séché que je reconnus aussitôt pour avoir traîné quelques temps dans un port de pêche. Son sac rond de marin en forme de saucisse me confirma qu’il avait dû naviguer un temps avant de s’échouer ici.

    Quand il découvrit la calèche,  il  eut l’air très intéressé. Il en fit le tour et inspecta minutieusement le coffre en osier que l’on avait accroché à l’arrière. Puis il se mit à marmonner des propos incohérents où il était question de cette andouille d’inspecteur Brod qui avait failli le coffrer à la place d’un autre, de cette Mina de Saint Palais, une intrigante qu’il avait déjà croisée dans un bar louche de Caracas, d’une certaine Fanfan dont il répétait le prénom en boucle. Visiblement il cherchait un abri pour la nuit mais il n’avait sans doute pas choisi cette grange par hasard.

    J’essayai de me faire discrète mais il se prit soudain les pieds dans un seau d’eau et s’étala de tout son long à quelques centimètres de moi. Réveillés par tout ce tintamarre, les chatons se mirent à miauler et bien sûr, l’homme eut tôt fait de découvrir notre cachette. Je me mis alors en position de défense, le dos rond, le poil hérissé, les babines retroussées tandis qu’un feulement d’alerte s’échappait de ma gorge. Nullement impressionné l’homme retourna le seau et s’assit juste en face de moi.

    -      Tout doux ma belle. Toi aussi t’es en cavale ? N’aie pas peur, les chats et moi c’est une longue histoire ! Sais-tu que sur tous les rafiots de la planète, il y a des chats qui sont chargés de veiller au grain en trucidant les rats ! Et puis tu n’es pas la première vagabonde qui dort dans la même grange que moi. Toi et moi, on est de la même engeance, celle des miséreux, des réprouvés, des malchanceux, celle qu’on chasse à coups de cailloux ou de dénonciations.

    Il avait le visage buriné par le soleil et le vent. Deux plis d’amertume marquaient les coins de sa bouche mais ses yeux clairs avaient gardé quelque chose de doux et d’enfantin. Derrière ses allures de bourlingueur bravache, on pouvait deviner une grande misère affective et un immense besoin de tendresse. Tout en parlant, il s’amusait à soulever la paille avec une petite baguette de bois, la faisant voler dans les rayons de lune. Soudain, chaton numéro 1 échappa à ma surveillance en faisant un grand bond pour s’inviter à la danse de ces brindilles légères et brillantes comme des flammes d’argent. Bientôt chaton numéro 2 bondit à son tour suivi du numéro 3. Chaton numéro 4, une femelle plus timide, resta auprès de moi regardant avec envie cet homme qui semblait s’amuser autant que ses frères. Il avait basculé sur le dos et les laissait escalader son pantalon, fourrager dans ses dreadlocks, grimper le long de ses bras, se laisser glisser dans le creux de ses mains,  grignoter le fromage et le jambon qu’il avait sortis de son sac. Il gloussait doucement et semblait ravi de s’abandonner à ces jeux innocents mais au bout d’un moment, il déclara :

     

    Un visiteur inattendu

     

    -      Bon, maintenant, ça suffit la marmaille ! Tout le monde au lit ! Demain, ça va être une sacrée journée !! Ah, au fait, moi, c’est Jojo, Jojo l’Amerlo !

    Il prit les trois chatons dans ses grandes mains et me les rendit avec beaucoup de précautions. Il me caressa entre les deux oreilles puis se chercha un coin dans la paille pour y passer la nuit.

    Mais au matin, plus de Jojo ! Il a dû repartir de bonne heure car je ne le vois nulle part. Dommage, je l’aimais bien ! Tiens voilà la fleuriste qui sort pour prévenir Alfred qu’elle a terminé et qu’il peut atteler Lubie. Cette dernière jette un coup d’œil à la calèche, visiblement soulagée d’avoir échappé au chapeau fleuri. C’est alors que Jojo, de la paille plein les cheveux sort discrètement de sa cachette. Il me fait un petit signe puis se dirige d’un pas sûr vers la malle en osier, en soulève le couvercle, balance son sac et saute prestement à l’intérieur.

    Il est grand temps que tout ce remue ménage se termine que je puisse enfin retrouver le calme et profiter un peu de mes chatons. Mes chatons ? Mais où sont mes chatons ? Pourvu qu’ils ne soient pas cachés sous les roues de la calèche ! C’est alors que je vois le couvercle de cette maudite malle se soulever à nouveau et Jojo me faire signe en murmurant :

    -      Désolée Princesse mais tes chatons sont dans mon sac ! Il semble qu’ils aient pris goût au fromage et au jambon ! Allez, viens avec nous, on va bien s’amuser ! 

    Je ne sais pas combien de temps a duré cette comédie, combien de fois nous nous sommes arrêtés, combien de voix différentes j’ai entendues, combien de visages entrevus, combien de bravos, combien de « Regardez comme ils sont beaux !» Mes chatons sont près de moi et c’est ce qui m’importe. Et puis Jojo me fait la conversation en me racontant l’histoire des uns et des autres. Visiblement, il ne les aime pas beaucoup !  Le seul qu’il semble apprécier, c’est Monsieur Paul, son ancien instituteur et une certaine Fanfan dont il était amoureux fou mais qui en a préféré un autre, plus riche et moins fou sans doute. C’est pour elle qu’il est parti sur ces fichus rafiots, pour elle qu’il a tenté sa chance à Las Vegas mais rien ne s’est passé comme il l’aurait voulu. Lorsque la calèche s’arrête devant l’église, Jojo s’étire, fait craquer tous ses os puis il déclare avec un grand sourire

    -      Et maintenant Minette, que la fête commence. Tu viens ? On va passer par la petite porte de côté. Il y a un escalier qui mène au clocher, mais nous, on va s’arrêter à la tribune. De là, on peut tout voir sans être vu. Allez la marmaille, tout le monde descend !

    Un visiteur inattendu

     

    J’ai toute juste le temps d’entendre Lubie qui s’exclame :

     

    « Bouquets d’ombelles

    Nuages en dentelle

    Mais pourquoi cloche-t-on ? »

     

    Décidément ce mariage la laisse vraiment de marbre !

     

    suite et fin ...... bientôt!

     


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  • Pour tous ceux qui ne seraient pas encore au courant, je rappelle que notre quatrième anthologie   est sur la bonne voie et a trouvé un bon rythme de croisière.

    Tous les jours de nouveaux textes arrivent, tous différents mais tous magnifiques pour faire de ce train  qui roule pour l'association Rêves  le train de l'espoir et de l'amitié

    Tous les héros de cette journée peu ordinaire sont ici. Une nouvelle consigne d'écriture est.

    Il est encore temps de venir nous rejoindre mais il est vivement conseillé de relire les consignes d'écriture ainsi que les textes déjà écrits .

    Je vous avais présenté mon personnage dans un texte précédent. Je vous invite à lire la suite de ses aventures.

     

    Lubie, ma nouvelle amie qui aime à l'occasion composer des haïkus.

     

     

    Une odeur d’herbes chaudes mêlée à une autre un peu plus douçâtre, plus écœurante aussi me tire de mon sommeil. À ma grande surprise, le soleil est déjà haut. Depuis que j’ai mis bas, c’est la première fois que je dors aussi longtemps. Mes chatons somnolent encore entre mes pattes, repus et confiants. Quel bonheur de les voir tous les quatre aussi calmes. Quelle chance j’ai eue de rencontrer Célestine. Jamais je n’avais été habitée par un tel sentiment de gratitude envers un humain.

    Près de moi, Lubie respire bruyamment tout en fourrageant du museau dans la crèche pour y puiser son petit déjeuner. De temps en temps, sa grande queue dorée fouette ses flancs rebondis et sa peau frissonne d’agacement car elle est perturbée par les piqûres d’une mouche qui la harcèle depuis un moment.

    Entre deux bouchées de foin, elle lâche un chapelet de crottin tout fumant qu’elle accompagne d’une espèce de litanie que j’ai du mal à comprendre :

     

    Crottin dans la litière

    Compost pour la fumière

    Heureux le blé d’hiver

    Ou bien encore :

    Crottin sur le chemin

    Le bousier n’est pas loin

    Roule boulette

     

    La veille, nous avions bavardé un peu. Curieuse, elle était venue renifler mes petits et elle m’avait posé un tas de questions. Elle m’avait aussi parlé de ce mariage qui la perturbait tant, de ces allées et venues incessantes dans la ferme, de cette fleuriste qui voulait transformer sa calèche en char de carnaval, d’Octave, un petit d’homme un peu fouineur, du photographe avec son éclair blanc. Mais ce qui la tracassait le plus je pense, c’est qu’en fait, elle ne savait absolument pas ce qui se cachait derrière le mot « mariage ».

    Moi j’aime bien les mariages. C’est une bonne occasion pour se remplir la panse sans trop prendre de risques. En général tous les invités sont tellement euphoriques qu’ils en oublient d’être vigilants. Il faut juste faire attention aux chiens et aussi aux enfants parfois.

    J’essayai donc de lui raconter avec mes mots à moi comment je ressentais les choses.

    -      -  Un mariage, c’est une journée très très importante pour les humains, une journée où tout le monde doit être très joyeux. Enfin… Moi je peux te dire que certains font juste semblant d’être joyeux ! On prépare la cérémonie très longtemps à l’avance. Les gens font des cadeaux. On porte de jolies toilettes. Il y a beaucoup de fleurs. On y dépense beaucoup d’argent et tout ça parce qu’un homme et une femme ont décidé de vivre ensemble toute leur vie. Chez nous les bêtes, c’est quelque chose qui n’existe pas. Regarde le coq dans la basse-cour : il chante COCORICO dès qu’il a séduit une poule. Quand je dis « séduit », les trois-quarts du temps, il ne lui demande même pas son avis ! Et puis très vite, il passe à une autre et il oublie la précédente ! Souvent ce sont des rencontres de hasard ou des mariages arrangés et quand on se retrouve avec un cadeau dans le ventre, ça nous occupe tellement qu’on ne se souvient même plus de la tête de celui qui nous l’a offert !

     

    -      - Tu dis que tout le monde n’est pas heureux. Mais pourquoi donc ? Je ne voudrais pas qu’Albert et Célestine soient malheureux à cause de ce mariage, je vois bien que ça leur donne du travail !

     

    -      - Eh bien, malgré la joie réelle de certains, c’est aussi une journée où l’on sent passer des relents de jalousie, de convoitise, des rancunes, des déceptions, du chagrin, de vieilles histoires de familles qui ressurgissent et l’alcool aidant cela se finit quelquefois en bagarres ! Parfois c’est très émouvant, parfois c’est drôle et parfois c’est carrément sordide.

     

    -                  -  Raconte, raconte me supplia alors Lubie en pointant vers moi des oreilles attentives.

     

        -         -  Oui, mais moi, tu sais je n’assiste pas à tous les préparatifs et je n’assiste pas non plus à la cérémonie à l’église. Je ne peux qu’évoquer le repas de noces, le bal  sous les lampions et puis la fin, quand le marié s’esquive en prenant la mariée par la main.

     

    -              -    Raconte quand même !

     

    -       - Je me souviens d’un mariage en particulier. Je m’en souviens parce qu’il se passait dans un château que le propriétaire louait de temps en temps pour des noces et des banquets. La cuisine y était toujours très raffinée et les cuisiniers pas très regardants à la dépense. Très souvent, je pouvais m’éclipser avec un poulet ou un saumon entier qui avaient été oubliés sur une table. C’était en été. L’odeur des lys et des roses embaumait tout le jardin mais il flottait en plus dans l’air surchauffé un je ne sais quoi de grisant qui me donnait des frissons. Bref ! On avait installé les tables sous une charmille à laquelle on avait suspendu des lanternes  colorées. Plus loin, sous des hêtres centenaires, un beau plancher ciré attendait les musiciens et les danseurs. Pendant le repas, tous les convives avaient beaucoup mangé, beaucoup parlé, beaucoup ri, beaucoup bu. Les enfants étaient heureux de pouvoir échapper pour un temps à la surveillance des parents et exploraient le parc en poussant des cris d’Indiens. La mariée était ravissante et fraîche. Le marié, un gentil garçon un peu lourdaud mais hélas très porté sur la boisson. Il put tout de même ouvrir le bal avec la jeune femme mais ensuite elle dut passer de bras en bras pendant que son mari s’était effondré sur la table ne sortant de sa torpeur que pour avaler une nouvelle coupe de champagne. Vers deux heures du matin, il fallut le porter dans la chambre nuptiale, une très belle chambre avec un lit immense surmonté d’un dais d’où s’échappait un flot de dentelles. La mariée le suivit, la tête basse avec des larmes plein les yeux. Ce fut un moment extrêmement pénible pour tous. Mais peu de temps après, je l’aperçus dans le chemin  qui menait à une petite cabane de pierres sèches où l’on entreposait le foin pour les ânes. Elle donnait la main à un beau jeune homme, un qui l’avait dévorée du regard pendant tout le repas et avec lequel elle avait beaucoup dansé. Contrairement à ce que l’on entend lors des ébats de félins qui sont très volubiles, très peu de bruits filtrèrent  de la cabane : quelques soupirs, la chute de la robe dans la paille, quelques frôlements, de petits rires joyeux et tendres. Au petit matin, alors que la dernière étoile s’éteignait dans le ciel, la jeune femme ressortit, envoya un baiser de la main à son amant resté dans la cabane puis je la vis faire un grand tour par le petit bois pour rejoindre son époux qui sans doute dormait encore.

     

     

    -     -  Eh bien ! Finalement ce n’est pas beaucoup mieux que ce qui se passe dans une basse-cour.

     

    Dans le parfum des lys

     Mon bel amour volage

     S’éloigne à pas feutrés.

     

    En tous les cas, toi, je te conseille de rester bien à l’abri dans l’écurie. Ne cherche pas à aller voler un poulet entier, tu as tes chatons à protéger !

     

    Mais alors que je lui disais de ne pas s’inquiéter, une mouche qui la taraudait depuis un moment me frôla l’oreille et me susurra un tout autre discours !

    -      -  N’écoute donc pas cette originale de Lubie ! Moi, si j’étais toi, je profiterais de cette noce sans me soucier de rien. C’est tout de même un grand jour et il faut bien s’amuser un peu ! Tu sais quoi ? Tu devrais sauter dans la grande panière pleine de fleurs que la fleuriste va mettre à l’arrière de la calèche. De là, tu seras aux premières loges ! Que veux-tu qu’il t’arrive ?

                                                                                                                                          

     


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  • Vous le savez, je participe de temps en temps à des ateliers d’écriture organisés par  le Centre d’art le LAIT  à Albi qui organise des expositions d’un genre un peu particulier.  Les ateliers d’écriture ont toujours comme support l’expo en cours et les textes qui en résultent  ne sont pas toujours faciles à mettre en ligne sur mon blog car ils sont parfois tellement liés aux images et aux vidéos qu’ils n’ont plus de sens s’ils sont proposés sans eux.

    Cependant, l’atelier débute toujours de la même façon par un petit exercice que vous pouvez peut-être vous amuser à faire chez vous. L’animatrice a un chronomètre, elle propose un mot au hasard et nous devons écrire pendant une minute autour de ce mot. Quand la minute est écoulée, c’est au tour de la personne suivante de donner son mot et ainsi de suite. Lorsque le tour de table est terminé, les participants lisent leurs textes et cela donne des résultats toujours surprenants. C’est l’un de ces textes que je vous propose aujourd’hui. Le lieu où se déroule les expos et l’atelier, d' anciens moulins situés au bord du Tarn, influence souvent les textes car la présence du fleuve est très sonore.

     

    Un mot par minute

     

    Les mots soulignés sont les mots proposés

     

    L’atmosphère paraissait étonnamment calme et pourtant, il flottait dans les airs un parfum d’inquiétude tranquille, une sorte de brouillard pailleté d’une substance étrange, presque palpable. C’était comme un pont invisible jeté entre les deux berges de la rivière agitée  sans cesse par le remuement d’une  eau venue d’on ne sait où. Peut-être de la source qui filtrait un peu plus haut entre les arbres. Il fallait bien qu’il se décide à reprendre sa route même s’il restait seul désormais car le soldat qui l’accompagnait jusqu'à présent ne bougeait plus. Où aller ? Rien ne pouvait lui indiquer la bonne direction. En dehors du murmure des eaux, tout s’était tu autour de lui depuis cette nuit où il s’était faufilé dans l’étroitesse du boyau sombre qui s’était bruyamment ouvert devant lui. Depuis, plus rien ! Il était frappé d’une sorte d’amnésie et rien ne faisait plus sens. Pourtant, il lui restait encore en tête le souvenir de ces lueurs qui embrasaient la nuit, l’odeur de la soupe, celle du tabac de la dernière cigarette, celle aussi d’un verre de vin âpre et fort qui lui avait soulevé l’estomac mais surtout celui de la peur, oui, la peur qui lui broyait son âme. 

     

    Voilà, si ce petit exercice vous a inspirés dites-le moi.


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