• Devoirs de vacances: 2ème partie

    Avant de partir quelques jours, je vous livre la deuxième partie de ma petite histoire

    Devoirs de vacances: 2ème partie

     

    Je ne vis que ses yeux en amande, verts comme ceux d’un fauve, qui pétillaient avec malice et son grand rire franc avec un trou entre les incisives. Je me dis qu’il ressemblait à un personnage de dessin animé, une sorte d’hybride à mi chemin entre le roi lion et le chapelier fou. Betty lui proposa un siège et se mit à lui parler comme si elle le connaissait depuis toujours mais moi je restais plantée là comme un piquet sans rien trouver à dire. J’en aurais pleuré de honte et de rage.

    -         Qu’est-ce que tu fais ? me demanda-t-il.

    Comme d’habitude Betty répondit à ma place.

    -          Elle n’a pas le droit de jouer, elle doit faire ses devoirs, c’est maman qui l’a dit.

    -         Des devoirs de vacances ? Non, tu rigoles !

    -         Non, elle rigole pas du tout, dit Betty, elle est nulle en math et maman va se fâcher si elle ne fait pas son problème !

    Je baissais la tête pour ne pas montrer mes yeux emplis de larmes.

    -         Alors là, tu peux dire que tu as de la chance, on m’appelle Matthieu le matheux ! Fais voir !

    Sans plus de façons, il s’assit tout à côté de moi.

    -         Bon, c’est pas compliqué. Le plus simple quand on ne comprend pas, c’est de faire un schéma ou mieux encore, on va jouer au jardinier ! Betty tu vas nous aider, il nous faut beaucoup de pissenlits et avec la tige s’il te plaît !

    Et pendant que Betty faisait des paquets de douze et jouait à la marchande, Matthieu se mit à me raconter le problème comme s’il s’agissait d’une histoire farfelue. Il jouait le rôle d’un jardinier extrêmement pointilleux et qui roulait ses R avec un drôle d’accent auvergnat. Ensuite il dessina la plate-bande avec une branche puis il me demanda de planter les œillets. Quand le problème fut enfin résolu, on trouva la plate-bande très laide et on la décora avec des pétales de roses et des aiguilles de pin. On se moqua bien fort du jardinier qui croyant faire des économies avait dépensé plus qu’il ne fallait. Puis on arrosa notre chef-d’œuvre avec la soupe de Betty. C’est ainsi que je compris enfin la subtilité des intervalles et que je me fis mon premier ami.

    Matthieu prit l’habitude de s’inviter tous les après-midi. Avec lui les problèmes devenaient prétextes à de fantastiques scènes de théâtre. Les trains étaient en retard parce qu’ils avaient été attaqués par des Peaux Rouges. Pendant que Matthieu m’expliquait comment convertir les heures en minutes, il demandait à Betty de grimper dans le chêne pour voir si les Indiens ne s’envoyaient pas des signaux de fumée ou bien elle s’installait dans un convoi de brouettes et elle jouait à tour de rôle les passagers du train : la vieille dame avec son chien, la maman et son bébé, le monsieur qui lit son journal, la jeune fille qui demande de l’aide pour installer ses bagages.

    Bientôt les histoires de périmètres, de surfaces, de volumes, le poids des liquides, les hectolitres de blé qui deviennent des quintaux, les histoires de tiers et de quart n’eurent plus de secrets pour moi. Chaque problème à résoudre devenait la promesse d’un après-midi avec Matthieu. Et moi, l’enfant trop silencieuse, trop timide, trop coincée, je m’étais mise à rire, à prendre du plaisir à m’exprimer avec mon corps, à sauter, à courir, à me déguiser en marchande de tapis, en plombier qui répare un robinet qui fuit, en bûcheronne qui scie des stères de bois.

    à  suivre...


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  • Commentaires

    1
    Dimanche 8 Septembre 2013 à 13:39

    Une magnifique histoire d'amitié... que j'aurais aimé avoir un tel professeur !

    J'adore t'écouter quand tu racontes...

    Je me suis régalée. Merci, Azalaïs.

    Passe une douce journée.

    2
    Dimanche 8 Septembre 2013 à 13:43

    Quelle chance de rencontrer un Matthieu qui transforme les problèmes de math en histoires rigolotes

    3
    Dimanche 8 Septembre 2013 à 17:14

    c'est bien gentil de sa part de t'expliquer et avec un dessin on comprend de suite mieux

    4
    Dimanche 8 Septembre 2013 à 17:16

    Un très beau texte Azalaïs... l'Amour peut tout.

    Très bonnes vacances.

    5
    Dimanche 8 Septembre 2013 à 18:22

    merci, mon Aza pour cette magnifique suite !
    je sais enfin  pourquoi je suis resté nul en maths : aucune amie ne me les a fait découvrir
    sous cet angle...obtus, je suis donc resté !
    non seulement tu as découvert le secret de cette science mais tu y as ajouté la Poésie !
    bonne journées de vacances !
    à bientôt
    gros bisous d'amitié
    jean-marie

     

     

    6
    Mardi 10 Septembre 2013 à 11:53

    Merveilleux les maths avec Matthieu... J'ai toujours détesté les devoirs de vacances et ai évité au maximum d'en faire faire à mes enfants. Les vacances servent à apprendre en s'amusant, Matthieu est très pédagogue, il devrait organiser des stages dans les écoles

    En attendant point de devoirs, prends le temps de respirer pour toi et d'admirer tout ce qui peut remplir tes yeux et ton cœur de beauté.

    Bises

    7
    mpolly
    Jeudi 12 Septembre 2013 à 09:27

    Ben voilà! Il m'aurait fallu Matthieu pour résoudre mes problèmes de bagnoires qui se vident ou se remplissent.

    Ah! si tous les profs de math étaient aussi inventifs!

    Bisous.

    8
    Mardi 17 Septembre 2013 à 09:17

    Quelle belle histoire... Cela me rappelle les haricots blancs que mes parents "transformaient" en moutons, les déplaçant dans des "prés" pour que je comprenne mieux l'addition et la soustraction... Je devais être au CP, les maths n'étaient pas ma tasse de thé et ne l'ont d'ailleurs jamais été par la suite...

    Matthieu est un très bon pédagogue; ce serait bien qu'il fasse des émules...

    Merci pour le partage de ces doux souvenirs, vrais ou faux ?, superbes en tout cas...

    Je t'embrasse bien amicalement Aza 

    9
    Mardi 17 Septembre 2013 à 16:31

    Je ne pense pas que les devoirs de vacances servent à grand chose, sans doute ne sont-ils destinés

    qu'aux mauvais élèves mais c'est un tel pensum qu'ils ne laissent que de mauvais souvenirs sauf quand une histoire d'amour enfantine vient s'y mêler.

    C'est un peu ce qui s'est passé pour moi mais c'est une autre histoire

    Merci à tous

    10
    Samedi 21 Septembre 2013 à 18:08

    Matthieu me fait penser à un autre " matheux " qui portait ce prénom ; au lycée, c'était " Mathou ".

    Azalaïs, tes souvenirs en remuent d'autres, agréables.

    Pensées amicales

    11
    Samedi 21 Septembre 2013 à 19:55

    moi j'avais deux forts en math pendant l'été, les deux fils du forgeron, l'un d'entre eux était très amoureux de moi, mais moi j'aimais son frère qui bien sûr ne s'intéressait pas à moi parce que j'étais trop jeune!

    dur dur les amours d'enfance!

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