• Derrière le rideau

    Demain

     

    Un jour, je serai vieille. Je resterai des heures, assise à ma fenêtre, derrière un rideau blanc souligné de dentelle. Je verrai les oiseaux dans le ciel à la tombée du jour, les nuages changeants effilochés de rose, un chat sur les toits gris, levant son petit nez dans la douceur des soirs d’été.

    Je ne parlerai plus. Je serai toute entière à ma tâche, absorbée de silence et les êtres que j’ai connus jadis ne me connaîtront plus. Ils seront là pourtant, figés dans un instantané bruissant et coloré, un éternel retour dans ce grand escalier où j’aimais tant jouer lorsque j’étais enfant.

    Et moi, enfin, je pourrai être moi. Plus besoin de paraître. Je pourrai être moi dans l’oubli et l’abandon des autres. Oubliée ! Quel joli mot que celui là qui se déplie avec légèreté, qui sent bon le pardon et l’absence, la poussière et le renoncement.

    Vous ne me verrez plus mais il ne faudra pas que vous soyez gênez. Ne vous empêtrez pas dans de fausses excuses. Je peux bien vous le dire, je crois bien que moi aussi je vous aurai oubliés ! Alors, il vous faudra passer votre chemin et me laisser en paix dans ce lent tête à tête, avec cet invisible qui palpite si fort, le glissement des heures sur des plages de brumes où je marcherai seule.

    Je laisserai errer le flot de mes pensées sans vouloir les trier, les ranger, encore moins les ordonner. Je serai transparente et tout enfin pourra me traverser. Je ne retiendrai rien. Je laisserai passer la vague et le fleuve des mots et l’angoisse et la peur, les joies, les peines,  les remords déchirants…

    Toute une vie pour parvenir au vide qui vous relie à tout, à la douce lucidité de mon effacement.


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  • Commentaires

    1
    Jeudi 13 Juin 2013 à 18:11

    Oh !!! Azalaïs ton texte me touche profondément ...une parfaite description de l'art de vivre Zen, sans penser ... sans réfléchir ... juste être là ... Regarder ses pensées comme des feuilles descendant un ruisseau ...dans se vide et se silence ressentir notre être profond qui nous relient tous ensemble à l'univers d'où nous venons...Nous marchons sur le même chemin Azalaïs...

    2
    Jeudi 13 Juin 2013 à 18:46

    Un maître Zen a dit : "Un jour, une vie" tout est là ... en deux mots ... 

    3
    Jeudi 13 Juin 2013 à 19:17

    bonsoir, mon Aza
    oui, ton beau texte est très touchant
    émouvant
    je ne sais s'il relève d'une ligne de vie philosophique
    j'y ressens surtout, à tort peut-être, une grand lassitude
    mais je crois que ce détachement ne te ressemble pas tout à fait
    bonne soirée à toi
    gros bisous d'amitié
    jean-marie

     

     

    4
    Jeudi 13 Juin 2013 à 19:50

    Bonsoir Azalaïs

    ton texte me fait penser ' demain je serai vieille ... sous la chandelle .Triste vérité que tes mots et parfois il m'arrive de penser que je suis vieille avant l'âge . On ne peut que constater déjà un isolement, du fait de se taire , où à défaut de parler on éloigne les gens . Drôle de choix n'est-ce-pas.Alors pour peu qu'un évènement te secoue un peu , on mesure déjà trop tôt , le poids des conséquences

    Bisous

    Ps : je vais lire la suite de tes articles , il y a longtemps que je ne me suis baladée sur les blogs

    5
    Azalaïs Profil de Azalaïs
    Vendredi 14 Juin 2013 à 07:43

    pour certains, c'est la quête de toute une vie et pour d'autres le vide surgit soudain au détour du chemin et les proches regardent impuissants le néant qui s'installe

    6
    Azalaïs Profil de Azalaïs
    Vendredi 14 Juin 2013 à 07:46

    c'est un peu les deux Jean-Marie, il faut bien accepter et renoncer quand on ne peux retenir le courant de la fatalité, c'est plus facile à vivre que la rumination absurde contre un destin imbécile que l'on n'a pas choisi

    Les difficultés rendent humble

    je t'embrasse jean-Marie

    7
    Azalaïs Profil de Azalaïs
    Vendredi 14 Juin 2013 à 08:30

    Je te reçois Mamylilou, quelle drôle de chemins nous réserve cette retraite tant souhaitée,  

    quand je vois le champ de mes envies se réduire comme peau de chagrin je me dis que finalement le mot retraite est bien trouvé

    Je t'embrasse

    8
    Vendredi 14 Juin 2013 à 20:12

    réaliste Azalaïs,

    oui...

    yé où blis

    en yéyé,

    eff à se ment

    en patte d'eph...

    le mieux est de ne pas y penser trop, now

    9
    Azalaïs Profil de Azalaïs
    Vendredi 14 Juin 2013 à 22:30

    et moi non plous yé né pas sanzé

    mais l' amer efface sur le sable les souvenirs et les regrets oh si!!

    10
    gazou2
    Dimanche 16 Juin 2013 à 08:54

    Ton texte me touche beaucoup...

    Mais pourquoi attendre le grand âge pour être soi-même, pourquoi ne pas commencer dès aujourd'hui

    Et est-ce le vide qui nous relie au Tout?

    Je ne sais

    11
    Azalaïs Profil de Azalaïs
    Lundi 17 Juin 2013 à 08:38

    Je parle surtout de ma mère dans ce texte Gazou, une femme qui a été très belle , qui a construit toute son existence sur la séduction et qui soudain  a tout abandonné après deux AVC (certains disent que l'AVC est une forme de suicide)

    C'est  désolant  d'assister à cette lente descente vers le néant, un vide que plus rien n'accroche mais à la fois c'est apaisant en ce sens qu' il aura fallu qu'elle redevienne enfant pour que je la retrouve

    Faut-il réellement s'acharner à vouloir proposer toutes ces activités aux personnes âgées qui n'en n'ont pas envie ou bien faut-il les laisser dans ce lent face à face, c'est une question que je n'arrive pas à résoudre

    Ce vide qui nous relie à tout est ce que les sages zen comme Ryôkan cherchent toute leur vie et que je cultive de plus en plus lorsque je marche, quand je sculpte, quand je peins,quand je médite, ne plus me laisser envahir par des pensées négatives mais me laisser porter par tout ce qui m'entoure et vivre juste l'instant présent.

    Bises et merci de ta visite, je tente ici une nouvelle expérience mais je ne sais pas si j'irai très loin, internet me fatigue de plus en plus

    12
    Dimanche 23 Juin 2013 à 01:44

    Je ne sais pas... ton texte m'émeut profondément, il résonne en moi.

    Tu parles de ta maman... ceux que j'ai vu vieillir ne m'étaient pas si proches... maman est toujours jeune pour moi, elle n'aura jamais les cheveux blancs, ni ce regard éteint de ceux qui n'ont plus envie d'espérer.

    Vivre le moment présent, ne pas se replier sur soi-même, accepter la main tendue sans penser qu'elle l'est par intérêt...

     

    Je crois qu'il faut continuer, Aza. Ce que tu écris ici est important, même si tu pourrais l'écrire ailleurs. Tu sais, c'est un morceau de liberté, tant que tu peux décider de tout ce qui concerne ta vie sur la Toile, son rythme, le temps que tu y passes.

     

    Je sais que tu peux continuer à écrire ailleurs, à peindre, à sculpter, à jardiner... à faire tout ce qui te permet d'être toi-même.

    Je me souviendrai longtemps de ton arbre... c'est ce qui m'a troublée chez toi. Cet attachement à la terre, ta façon d'en parler.

    Peut-être est-ce une des raisons pour lesquelles je sais que je reviens, même quand il m'arrive de te délaisser quelques jours.

    Je t'ai appelée "mon troubadour", peut-être parce que tes mots ont une musique qui sait m'émouvoir.

     

    Passe une douce journée, Aza. Pardon d'avoir été si longue.

    13
    Dimanche 23 Juin 2013 à 21:47

    Bonsoir Azalaïs 

    se soir je me promenais dans ta "Rubriques" "Contes"...

    Le conte d'un page grise...

    Je plonge dans la page grise comme dans l'épaisseur d'un nuage ...

    Je devrai tomber comme une pierre mais non, je tombe comme un mot, comme un mot d'un conte d'une page grise...

    Je plane à la recherche du train, du train d'une phrase pour m'accrocher, pour me racrocher ... aux  autres mots et participer à donner un sens à se train ... à cette phrase ... a ce compte...

    Mais pas de train ... juste une grande allée de colonnaire qui me font une haie d'honneur...au millieu de ses champs de blés moissonnés, reflet du soleil qui se couche. Une solide batisse... défiant le temps ... Lieu de fraîcheur dans cet océan de chaleur...

    je m'arrête ... je regarde les montagnes bleues qui rejoignent le ciel ... entre ciel et terre ... à la lisière nue où naisse, les possibles...

    Merci Azalaïs pour ce cette page bleu ciel ... chaque matin ... un nouveau conte... un nouveau jour ... une nouvelle vie ...

    Amicalement  Pascal

    14
    Azalaïs Profil de Azalaïs
    Dimanche 23 Juin 2013 à 22:44

    il y a une rubrique conte c'est vrai mais je n'en ai encore mis aucun, je ne suis pas pressée, je prends mon temps. je rentre de 2 jours de Qi Gong dans un endroit de rêve en pleine campagne avec justement des haies de cyprès tout en haut des collines, des oliviers aussi et j'ai du mal à atterrir

    bonne soirée Pascal et merci de ton petit tour

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    15
    Jeudi 27 Juin 2013 à 19:38

    A la lecture d'un commentaire sur mon blog j'ai une autre réponse à te faire au sujet des graines qui ne poussent pas...

    Se ne sont pas des mauvaises graines...mais c'est peut être la terre qui fait la forte tête...

    Avec un grand sourire Pascal

    16
    Azalaïs Profil de Azalaïs
    Jeudi 27 Juin 2013 à 19:44

    poutant ma terre est propre, accueillante, généreuse, pleine de gentils vers, retournée avec une jolie grelinette, elles sont vraiment très difficiles!

    bonne soirée

    17
    FFelix1
    Samedi 29 Juin 2013 à 19:26

    demain est peut etre un autre jour, mais aujourd'hui c'est maintenant.

    Concernant ton questionnement sur l aide possible (ou pas) à apporter aux personnes agées, j avoue ne pas avoir de réponse. Personnellement je rie beaucoup avec les anciens et je suis meme quelques fois irrespectueux ce qui les amuse beaucoup (" enfin quelqu'un qui ne me considere pas comme une chose") . Si tu respectes leurs rythmes et que tu es en relation vraie, tout fonctionne. Je pense que le plus dur est de culpabiliser quand on ne sait pas trouver la bonne distance si difficile à saisir dans une relation respectueuse .

    18
    Azalaïs Profil de Azalaïs
    Dimanche 30 Juin 2013 à 20:35

    je ne sais pas Félix quelle est la bonne distance. C'est très difficile d'avoir à s'occuper d'un parent âgé, d'avoir à accomplir des tâches qu'ils accomplissaient quand nous étions un tout pétit enfant

    C'est précisément respecter leurs rythmes je crois que de ne pas vouloir leur imposer des choses qu'ils ne veulent pas faire

    19
    Felix11
    Dimanche 30 Juin 2013 à 20:44

    Bonne definition du respect.  Ne pas imposer aux autres des choses qu ils ne veulent pas faire. 

    Je me doute que ca ne doit pas etre facile tous les jours pour toi d avoir a gerer sereinement ce type de situation.   Bon courage.  

    20
    Vendredi 6 Juin 2014 à 15:37

    Bravo! D’où vient une telle créativité?? Ce blog est tout simplement génial, créatif et émouvant! J'ajoute ce blog à mes favoris! Bravo, AzalaÏs!

    21
    Jeudi 16 Avril 2015 à 12:49
    Texte très touchant. Il m'a fait pensé à la chanson de Keen'v, "Certains m'appellent".
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