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    Jardins d’eau suspendus

    Aux lèvres du matin

    Le ciel a dénoué

    Les fils des arantelles.

    Dans le jour qui s’égoutte

    Pampilles et dentelles

    Empruntent des chemins

    Qu’elles ne connaissent pas.

    Ce soir elles chercheront

    Dans l’herbe traversière

    De quelle aube elles sont nées.

    Quel paradis perdu

    Les a éparpillées

    Entre deux clairs de lune.

     

    Dans les silences bleus

    Des brumes familières,

    Dans le battant des heures

    En grappes de lumières,

    Elles diront simplement

    L’urgence retenue

    D’éphémères présents.

     


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    Derniers feux de l’automne

    dans les sillons bien sages

    déjà le blé d'hiver


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    Dans un vertige vertical

    Les arbres tissent

    Au fond des eaux

     

    La palme claire

    Des nuages

     


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    Pour La petite fabrique d’écriture : Imaginez... vous venez de recevoir une lettre. Elle va changer toute votre vie. Racontez. 

     

    La lettre vagabonde

     

    « Mademoiselle,

    Chère mademoiselle,

    Ma chère demoiselle,

    Ma chère Odile,

    Ma très chère Odile,

    Mon Odile Chérie,

     

             Comment vous dire, te dire, te décrire, t’avouer ce que je, enfin, je ne sais plus, je ne sais pas, vous me, tu me connais si peu, à peine, pas du tout, mais depuis que je vous ai, que je t’ai vue, croisée sur ce chemin, je ne vis plus, je ne dors plus, je ne mange plus, je ne pense qu’à vous, qu’à toi, mon aimée, mon amour, ma colombe, mon ange du matin…

     Il y avait du brouillard ce jour là et vous, et toi, et tu marchais les yeux baissés en prenant garde aux défauts du terrain. Vous m’avez, tu m’as bredouillé un rapide bonjour, un bonjour quelque peu effrayé, un peu gêné, peut-être même agacé. A une heure pareille, tu ne dois pas rencontrer grand monde sur ce chemin et moi, qu’est-ce que je faisais là ? Peu importe, ce qui compte c’est cette rencontre tellement fugitive, presqu’un rêve et que j’en ai gardé ce quelque chose d’intense qui a changé mon existence.

    Depuis, je me suis arrangé pour vous, pour te croiser ailleurs mais toi tu sembles vivre sur une autre planète, tu es tellement distante, tellement absente à tout ce qui t’entoure qu’aujourd’hui j’ose vous écrire en espérant que je ne vous, que je ne te choquerai pas trop. J’ai tellement hésité mais maintenant je ne peux plus attendre : je me jette à l’eau et tant pis si je me noie. J’espère que vous, que tu me pardonneras cette hardiesse, cet élan qui me fait bégayer des propos si confus, si étranges sans doute mais voilà : je serai jeudi à 7 heures 30 sous le grand marronnier place de l’église, à côté du monument aux morts.

    À jeudi mon aimée »

    Odile avait beau tourner, retourner la lettre dans tous les sens, elle n’y comprenait rien : pas de date, pas de signature, pas d’adresse. Visiblement la lettre avait beaucoup vécu. L’enveloppe était froissée, sale, usée dans les coins. Elle tenta sans succès de déchiffrer le tampon de la poste mais d’après le timbre, une Marianne de Cheffer à 30 centimes, Odile se dit que la lettre avait dû voyager pendant  à peu près quarante ans.

    Quant au contenu, elle hésitait entre le rire et les larmes. C’était à la fois surprenant, émouvant et terriblement triste. Ainsi, quelqu’un l’avait un jour remarquée, désirée, aimée peut-être et elle n’en n’avait rien su. Et lui, qu’était-il devenu ? Vivait-il toujours dans le village, le croisait-elle en allant acheter son pain, sur le chemin peut-être qu’elle continuait à emprunter chaque matin. Mais non, ce n’était pas possible, c’était une blague ! Pourtant, il y a quarante ans, elle était plutôt jolie, déjà pas très fréquentable mais jolie. Et maintenant ? Elle posa la lettre sur la cheminée et alla vers la glace de l’entrée : depuis combien de temps n’était-elle pas allée chez le coiffeur ? Depuis combien de temps portait-elle ce vieux survêtement informe ? Pourquoi faire un effort quand la vie se résume à si peu. Elle avait fermé tellement de portes avec son sale caractère et ses idées de révolutionnaire ! La révolution, ça va un temps mais ça isole. Mai 68 était passé, même Cohn Bendit avait baissé les bras,  et elle s’était retrouvée seule à radoter avec ses chats ! La plupart de ses amis étaient peu à peu rentrés dans le rang et avaient pris leurs distances. Quant aux autres, ils la prenaient pour une excentrique, une marginale peu sympathique et ne cherchaient même plus à la récupérer dans l’une ou l’autre des associations du village, ils s’étaient tous cassé les dents !

    Mais cette lettre l’asticotait ! Elle qui n’avait jamais voulu faire le grand saut en disant que le mariage c’était pour les autres, la voilà tout à coup qui frissonnait comme une feuille morte avant de quitter l’arbre ! Que faire ? Cette lettre l’intriguait plus qu’elle ne l’aurait voulu mais à 65 ans elle n’allait pas jouer les midinettes, c’était d’un ridicule ! Elle allait la jeter au feu mais quelque chose la retint. Elle enfila son vieux bonnet, son blouson fatigué et sortit pour acheter le pain. Zut, elle n’y pensait plus, c’était un jour de foire. Elle allait encore rencontrer quelques camarades de classe à qui il faudrait dire deux ou trois mots ! Ça l’ennuyait un peu mais tant pis, elle n’allait pas rebrousser chemin comme une voleuse ! Elle tomba sur Simone. D’ordinaire, elles se disaient juste bonjour, échangeaient quelques mots sur le temps et c’était tout. Mais aujourd’hui, Odile se sentait un peu différente, presque  enjouée. Elle se surprit à lui demander des nouvelles de sa famille, s’intéressa à sa nouvelle vie de retraitée. Simone avait toujours été une gentille fille et répondit sans se faire prier. Puis elle lui dit que cette année elle passait Noël avec  quelques copines de classe. « Tu as dû recevoir le prospectus toi aussi. Les cars Rossignol organisent un voyage en Provence, il reste quelques places si ça te dit ! »

    Quand elle monta dans le car Odile eut un moment d’hésitation. Par quel miracle se retrouvait-elle là ? Il y eut bien quelques regards curieux, quelques apartés dont manifestement elle était l’objet mais elle vit Simone qui lui faisait un signe et elle alla s’asseoir près d’elle. Le parcours fut agréable. Elle qui parlait si peu fut surprise de voir combien la conversation lui manquait et elle y prit même du plaisir.

    Au fond du car Arlette, la coquette  menait grand tapage. Elle n’avait pas changé et racontait comme toujours ses dernières conquêtes. Bien sûr  elle avait su s’adapter et Odile l’entendit qui disait : 

    -          Devinez un peu qui j’ai vu sur meetic la semaine dernière ! L’Alfonse ! Il a juste rasé sa moustache mais il est toujours aussi fringant ! Figurez-vous qu’il cherche une jeunesse de 30 ou 40 ans, il ne manque pas d’air !

    -          Et alors demanda Solange, tu lui as répondu ?

    -          Donne-lui donc rendez-vous sous le grand marronnier sur la place de l’église ! dit Cécile.

    -          Oh ! oui, ce serait d’un drôle s’exclama Lucette !

    -          Demande-lui qu’il t’écrive d’abord une petite bafouille pour voir si son style a évolué, pouffa Andrée !

    -          Quel Guignol celui là ! Dire qu’on s’est toutes laissées prendre : Mademoiselle, Chère mademoiselle, Ma chère demoiselle, Ma chère Martine, Ma très chère Martine, Ma Martine chérie ! déclamait Martine la main sur le cœur.

    -          Mais de quoi parlent-elles ? demanda Odile  qui sentit tout à coup un brasier s’allumer dans sa poitrine.

    -          Tu n’es pas au courant ? Tu te souviens bien d’Alfonse, le fils du boulanger !

    -          Vaguement et alors ?

    -          Figure-toi que ce joli cœur avait trouvé une combine pour draguer les filles qui lui plaisaient. Il leur écrivait à toutes à peu près la même lettre,  seulement comme il n’était pas très malin, il leur fixait le même lieu de rendez-vous à toutes devant le monument aux morts, à la même heure mais un jour différent. Moi c’était le mardi, Arlette le dimanche, Lucette le lundi, Martine le mercredi, Andrée le vendredi et Cécile le samedi… On n’a jamais pu identifier l’inconnue du jeudi. Une maligne sans doute qui n’est jamais venue !

    -          …… C’était moi !

    -          …….Toi ? Et tu y es allée ?

    -          Non, je n’ai jamais reçu la lettre, enfin je l’ai reçue cette semaine avec 40 ans de retard !

    Le repas du soir dans une auberge des Baux fut particulièrement joyeux ! Odile se retrouva tout à coup  au centre de toutes les attentions et on décida de créer sur le champ Le clan des  7 Alfonsine dont le projet le plus urgent était de jouer un tour à l’Alfonse en se pointant toutes ensemble au rendez-vous fixé par Arlette.

     


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    Il y a de cela très très longtemps, dans une ferme isolée perdue au fin fond du Sidobre, vivait un homme qui élevait des oies. Je suppose que vous ignorez tout de cette terre de solitudes qu’aucune route digne de ce nom n’osa traverser avant la fin du XVIII ème siècle. Etrange pays en vérité, qui court par ses vallées obscures et sauvages, ses puys tout arrondis, ses landes désertiques balayées  de vents fous, ses tourbières humides piquetées de bouleaux. Ça et là, quelques forêts de hêtres que l’automne enflamme, des sapinières aussi noires que la nuit et puis aussi des lacs, aux bleus sombres et profonds, des grottes, des gouffres, des sources, des cascades... Mais ce qui rend ce pays plus mystérieux encore, ce sont partout des blocs énormes de granit qui le parsèment de bout en bout, des blocs sortis tout droit de la marmite de l’enfer et qu’un petit poucet du diable aurait déposés là, dans un chaos informe et inquiétant. Il arrive parfois que par endroit, le granit affleure en dalles gigantesques, semblables à la peau d’un monstrueux dragon qui dormirait dans les entrailles de la terre.

     

     

    Les trois fromages

     

              On dit que cheminer alors lorsque tombait la nuit à travers ces figures dantesques, c’était risquer la mort d’un coup de sang subit ou bien rentrer tout trempé de sueur et gémissant de fièvre, avec des yeux égarés de folie et les jambes qui ne vous portaient plus ! C’est qu’on en colportait des histoires sur ces monstres de pierre ! Chacun avait la sienne à raconter le soir devant la cheminée. Il y avait l’histoire de la pierre branlante aux rondeurs singulières que les sorcières chevauchaient certaines nuits d’été pour s’accoupler avec le diable. Celle de ce rocher tremblant qu’il fallait remuer les soirs de pleine lune pour faire un pacte avec le drac ou bien lancer un sort à son voisin trop fortuné. Et puis aussi la pèira clavada sur laquelle on devait jeter une pièce si l’on voulait se marier dans l’année et puis, et puis…  Il y avait la pierre folle, celle qui roule, celle qui tourne, celle qui vire, celle qui danse… Elles avaient toutes un nom sorti tout droit de l’imagination des gens de ce pays : le roc d’Artus, la tête de lièvre, les trois fromages, le chapeau de curé, la tortue, les colosses, les trois bébés, la pochée du diable… Inutile de vous dire que les sorciers et les jeteurs de sorts y  étaient si nombreux qu’on les excommuniait chaque dimanche à la messe et que pour sanctifier ces terres païennes on donna à leur capitale le nom de Lacrouzette (petite croix en Occitan).

     

    La pèira clavada

     

              Mais revenons à nos oies et à leur propriétaire, un des sorciers les plus redoutés de la région. Il vivait seul dans cette immense bâtisse faite de blocs de granit entassés et recouverte de lauzes grises. Personne jamais n’était entré dans sa demeure pour la simple raison que dès que quelqu’un s’en approchait, les oies aussitôt se mettaient à claironner en faisant un raffut de tous les diables. Le sorcier alors sortait sur le perron et descendait les escaliers à la rencontre de son visiteur. On traitait toujours l’affaire sur une belle dalle plate, cerclée de mousses et de bruyères d’où jaillissait une source aux vertus mystérieuses.

              Les oies étaient serrées dans un enclos où elles menaient paisibles, leur vie de volatiles sans souci. Elles faisaient les belles en se haussant du col tout en tortillant joliment du croupion pour réclamer quelque friandise matinale, ou bien elles se lançaient dans une danse des plus élégantes, juchées sur la pointe extrême de leurs pattes en agitant leurs ailes. Parfois, notre sorcier qui aimait bien ses oies, louait les services d’une jeune bergère qui les menait au pré ou dans un champ de céréales qui venait d’être moissonné, ou bien au bord d’un lac où elles s’ébrouaient comme des folles ! Notre bergère avait comme il se doit un amoureux : un petit pâtre des environs qui venait très souvent la distraire en lui jouant de la cabrette !

              Un jour qu’elle gardait près d’un lac, une troupe d’oies sauvages s’abattit sans un bruit sur les eaux. Notre bergère, toute occupée par son berger ne les vit même pas ! Mais quel spectacle pour nos oies domestiques ! Sans faire le moindre bruit elles s’approchèrent de la berge pour admirer cette troupe exotique. C’étaient des oies des neiges aux plumes blanches bordées de gris. Il y avait aussi quelques jars aux yeux bleus bordés d’un trait de vermillon. Imaginez quel « tifo-tafo » cela fit dans le cœur de nos oies des bois !

             

     

              Lorsque l’heure fut venue de rentrer chez le sorcier, l’une d’entre elles, la plus jolie,  la plus hardie décida de braver l’interdit. Elle se cacha dans une touffe de genêts d’Espagne afin de rester un peu plus auprès d’un jeune jars couronné d’une huppe du plus bel effet. Durant toute la nuit, il lui fit mille grâces, lui offrit en riant de beaux bouquets de populages, lui fit des couronnes d’anémones et la fit jouer à la marelle sur le dos rond des rochers qui émaillaient le lac. Lorsque le coq chanta, notre petite oie se sauva et promis à son jars de revenir la nuit prochaine. Elle fit ainsi toute les nuits jusqu’à ce que…

              On approchait de la Saint Jean qui comme chacun sait, est une nuit magique pendant laquelle tout le monde des fées, des elfes mais aussi des démons, des sorcières s’en donne  à cœur joie. C’est aussi la nuit où le diable réunit ses sorciers pour partager sa cargaison de sorts. Ils arrivent tous là, sur leur balai de bouleau, communient en chœur d’une rondelle de rave et puis se donnent des nouvelles de chaque contrée en menant grand tapage. Notre sorcier bien sûr se rendit à la fête et rentra lorsque le coq chanta. Et que croyez-vous qu’il vit ? Notre jeune écervelée qui sautait prestement au-dessus de la barrière de l’enclos. Aussitôt, il fit venir la petite effrontée qui dut bien vite lui raconter son aventure. Comme elle était futée, elle lui dit pour adoucir son sort et pour l’amadouer qu’elle avait un œuf à couver près d’un rocher du lac et qu’il en sortirait bientôt un oison des plus extraordinaires.         

    - Soit, lui répondit le sorcier, je te donne la permission de couver ton œuf aussi longtemps qu’il le faudra mais dès que l’oison sera né, je veux le voir ici.  Et s’il est aussi beau que tu sembles le penser, je te pardonnerai peut-être.

    - Je vous promets de revenir dès qu’il sera né, répondit-elle heureuse.

              Elle se croyait bien maligne la pauvrette et cette histoire d’œuf, elle venait de l’inventer. Les jours passaient, notre petite oie folâtrait et le sorcier attendait avec impatience l’arrivée de son oison joli… Quand il comprit qu’elle lui avait menti et qu’elle passait son temps à batifoler avec son bellâtre, il entra dans une grande colère et une colère de sorcier, il vaut mieux l’éviter !

    - Ah ! Comme ça, tu me couvais l’œuf du siècle ! Et bien, je vais t’en donner un moi, qui va faire de toi l’oie la plus célèbre de toute la région ! Et, fais moi confiance, cet oeuf là,  tu n’es pas prête à l’abandonner de sitôt !

              Alors, d’un coup de baguette magique, il la pétrifia en une masse énorme et plaça tout près d’elle un œuf gigantesque qui tremble sur son socle au moindre souffle de vent. On dit que certaines nuits de printemps, on peut voir notre petite oie qui pleure encore son bel amour perdu.

     

     "Et cric et crac, mon conte es acabat"


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